RDC : avortement légal si...

Le Code pénal congolais sanctionne toute forme d’interruption de grossesse. Mais le Protocole de Maputo, ratifié par la RDC, apporte des exceptions en faveur des femmes victimes de viol, de violences sexuelles, de l’inceste et celles dont la grossesse met en danger leur vie et celle du fœtus ou leur santé mentale et physique.
19-May-2020

Chantal, la trentaine révolue, était l’aînée de sa famille. Alors qu’elle habite encore le toit familial, elle disparaît pendant deux jours sans laisser des nouvelles. Un matin, l’on retrouve son corps, sans vie, dans une ruelle d’un quartier populaire du centre-ville. Informations prises : elle était venue interrompre, dans la clandestinité, sa grossesse dans un petit centre de santé. L’opération a mal tourné.

Le sort de Chantal serait tout autre si sa famille était informée de la grossesse et surtout, de l’existence d’une législation qui permet désormais à certaines femmes, selon leur situation, d’avorter légalement. Ce qui aurait permis une prise en charge sécurisée dans une formation médicale appropriée s’il était établi chez la femme un problème de santé mentale. Cela, conformément à l’article 14 alinéa 2 point C de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, relative aux droits de la femme (Protocole de Maputo).

Article 14.2 Protocole de Maputo

La Charte a été ratifiée par la RDC depuis 2016 et promulguée, deux ans après, par le chef de l’Etat après son examen au Parlement. Que dit cette disposition du Protocole de Maputo ? « Les Etats prennent toutes les mesures appropriées pour protéger les droits reproductifs des femmes, particulièrement en autorisant l’avortement médicalisé, en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou la vie de la mère ou du fœtus ».

Une circulaire du président de la Cour constitutionnelle publiée le 19 avril 2018 dans le Journal Officiel enjoint les chefs des juridictions et offices des parquets de procéder immédiatement à son application. Selon la Constitution, les traités internationaux dûment ratifiés par le pays ont une suprématie sur les lois nationales. Ainsi, le Protocole de Maputo vient-il apporter des exceptions au Code pénal congolais qui interdit totalement l’avortement.

Chiffres alarmants

L’avortement clandestin est la deuxième cause de mortalité maternelle en RDC, selon l’Enquête démographique et de santé (EDS) 2013-2014. Le taux global de mortalité maternelle au pays, l’un des plus élevés au monde, est de 846 décès sur 100 000 naissances vivantes.

Une étude de Guttmacher Institute indique que la majeure partie d’avortements en RDC est non sécurisée, donc réalisée en clandestinité et sans respect des normes de l’OMS. Pour la seule ville de Kinshasa, cette étude estime à 146 700, le nombre d’avortements en 2016. Ce qui représente un taux de 56 pour 1 000 femmes en âge de procréer (15-49 ans). Ce taux est le plus élevé d’Afrique centrale où la moyenne est de 35 pour 1 000 femmes. La même année, 37 900 femmes ont obtenu un traitement dans un établissement de santé de Kinshasa pour des complications en lien avec l’avortement non sécurisé, selon Guttmacher Institute.

Or, selon l’OMS, un avortement médicalisé dans un milieu approprié est même plus sûr qu’un accouchement. Les activistes des droits de la femme se réjouissent du fait que la légalisation thérapeutique de l’avortement pourrait diminuer sensiblement le nombre des décès et des complications dues à des avortements clandestins.

Socrate Nsimba


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