Kinshasa : une élève décède après une tentative d'avortement avec le jus de feuille de manioc

Ayant eu peur que l’oncle – son tuteur – apprenne la nouvelle de sa grossesse, Julie*, cinquième des humanités, a pratiqué un avortement avec notamment un mélange de jus de feuille de manioc, avant de voir sa santé se dégrader au point de perdre la vie.
17-Décembre-2020

Dans la commune de Mont-Ngafula, à Kinshasa, une amie de la défunte relate : « Julie, c’est mon amie. Nous avons étudié ensemble. Elle n’avait plus des parents. C’est son oncle qui la scolarisait. Et un jour, elle me dit qu’elle était enceinte. Mais elle ne pouvait pas continuer à garder la grossesse, son oncle n’allait pas lui pardonner la bêtise. »

Pour tenter d’interrompre sa grossesse, Julie a presque tout appliqué, sauf des bons moyens. « Elle a bu le jus de feuille de manioc cru. Cela aiderait, selon elle, à évacuer la grossesse. Elle ne s’est pas arrêtée là. Elle m’avait dit aussi qu’elle avait introduit des objets durs dans la cavité vaginale pour tenter d’ouvrir son colle », ajoute sa collègue de classe. Ce qui avait mal tourné. La jeune fille était tombée sérieusement malade, mais n’avait toujours pas avoué sa grossesse auprès de ses responsables.

Et c’est à l’hôpital, peu avant de mourir, que Julie avouera ses tentatives d’avortement clandestin. Une situation qui est malheureusement récurrente en République démocratique du Congo, particulièrement à Kinshasa.

Dans le monde, encore 49 % des avortements sont non médicalisés (réalisés par une personne sans les compétences requises ou dans un environnement non conforme aux règles d’hygiène). Et 47 000 femmes ayant pratiqué un avortement clandestin meurent chaque année des suites d’infections, d’hémorragies, de blessures utérines ou des effets toxiques des agents utilisés pour provoquer un avortement, révèle la structure française du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh).

A Kinshasa, des efforts sont menés par plusieurs structures, notamment la Coalition de lutte contre les grossesses non désirées (CGND) afin de sensibiliser des femmes  et jeunes filles pour éviter des avortements clandestins. Et par la même occasion, des structures membres de cette coalition vulgarisent le Protocole de Maputo dans son article 14 alinéa 2c qui autorise l’avortement sous certaines conditions, notamment en cas de viol, inceste et quand la santé de la mère ou du fœtus est en danger.

Le Miféprostone et le Misoprostol (connu généralement sous le nom commercial de Cytotec à Kinshasa) sont les deux et uniques médicaments autorisés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l'interruption d'une grossesse au premier trimestre. Ces médicaments peuvent être pris en association (le plus efficace) ou le Misoprostol seul.  A partir du deuxième trimestre, c'est le technique d'aspiration qui est conseillée. Le curage est de plus en plus déconseillé.

Le mercredi 16 décembre la RDC a franchi un grand pas dans l'accès aux soins d'avortement sécurisé dans le cadre du Protocole de Maputo, avec l'endossement par le comité éthique du ministère de la Santé des normes et directives  y relatives. 

Dido Nsapu       

Julie* : prénom d’emprunt


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