Lors de l'enregistement de l'émission

Santé : l’avortement est-il vraiment diabolique ?

Se revendiquant défenseurs des préceptes bibliques voire traditionnels, certains congolais rejettent le droit à l’avortement accordé aux femmes victimes de viol ou d’inceste par l’article 14 alinéa 2 point C du Protocole de Maputo.
15-Décembre-2020

Lors d’une émission interactive – Maloba na Base- animée par le journaliste Altesse Makambo ce mardi 15 décembre à la radio RTGA, un auditeur a qualifié le Protocole de Maputo de « diabolique » et « satanique ». Un autre a défendu que ce texte serait inspiré par l’Occident et ne se conforme pas à la tradition africaine encore moins congolaise.

Texte typiquement africain qui défend les droits des femmes, le Protocole de Maputo a été signé en 2003 par des Etats africains. La RDC y a adhéré depuis 2008 avant de le publier, mars 2018, au Journal Officiel. Dans son article 14, alinéa 2 point C, le Protocole de Maputo appelle les Etats signataires à autoriser l’avortement en cas de viol, inceste et pour toutes autres raisons thérapeutiques tendant à préserver la santé et la vie de la femme.  


L’objectif de cette disposition est de juguler les avortements clandestins qui occasionnent plusieurs décès chez les femmes et jeunes filles. En RDC, les avortements à risques sont la deuxième cause de mortalité maternelle (18%), après les hémorragies, d’après l’Etude démographique de la santé (EDS 2013-2014).

Selon une enquête estimative réalisée par Guttmatcher Institute en collaboration avec l’Université de Kinshasa en 2016, plus de 400 avortements à risques s’opèrent chaque jour à Kinshasa.   

« Problème de santé publique »

Malgré cette forte incidence des avortements clandestins dans le pays, l’avortement sécurisé qui vise à sauver des vies des femmes et jeunes filles encouragé dans le Protocole de Maputo peut-il vraiment être considéré comme diabolique ? « Les soins d’avortement sont des soins de santé. Nous ne sommes pas dans un pays religieux mais laïc. Chaque personne garde sa culture et sa religion... Tous, nous savons que 90% des Congolais sont des croyants. Mais qui avortent ? C’est loin d’être un problème de religion ou de coutume. C’est un problème de santé publique », a réagi l’un des intervenants à l’émission, Dr Jean-Claude Mulunda, expert en santé sexuelle et reproductive et représentant-pays de l’organisation internationale Ipas.

Et d’enchaîner, par rapport au fait de penser que le Protocole de Maputo est une importation occidentale : « Qui est ce blanc qui a quitté la Belgique ou les USA pour venir dire à un monsieur de 40 ans de violer une fillette ? Des femmes africaines utilisent depuis toujours des méthodes traditionnelles (plantes médicinales) pour avorter. ces plantes ne viennent pas de l’Occident. Le rôle de l’Etat est de réguler tout cela ».

« Nous n’incitons personne à avorter »

Pour Dr. Didier Lukeme du Programme national de santé de l’adolescent (PNSA) du ministère de la Santé, il y a nécessité d’intensifier des stratégies de vulgarisation du Protocole de Maputo pour une meilleure appropriation de la population.

Il sied de rappeler que le protocole de Maputo n’évoque pas que les questions d’avortement, mais des droits de la femme dans ses huit thématiques. 

Dr. Jojo Kowe de l’organisation Univers Santé Groupe qui était de l’équipe de campagne Standing Strong Together (SST-RDC) le mois dernier à Bandundu-ville dans la province de Kwilu pour vulgariser le Protocole de Maputo, est aussi d’avis que le chemin est encore long pour la vulgarisation de ce texte dans un si vaste pays.

« Nous ne sommes pas des assassins », a-t-il répondu à un auditeur. « Nous n’incitons personne à avorter », a précisé Mme Evia de l’organisation Afia Mama.

Socrate Nsimba

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