Avortement : pourquoi il est nécessaire de réviser les articles 165, 166 et 178 du Code pénal congolais

C'est le 28 septembre, la journée internationale de la dépénalisation de l'avortement. En RDC, le Code pénal est encore en déphasage avec les engagements internationaux pris par le gouvernement sur ces questions, notamment le Protocole de Maputo. D'où, la nécessité d'une harmonisation de ces deux textes légaux.
28-septembre-2020

La République démocratique du Congo a adhéré, ratifié et publié au Journal officiel, le Protocole à la charte africaine des Droits de l’Homme et des peuples relatif aux Droits de la femme en Afrique, communément appelé « Protocole de Maputo ».

Après cette ratification, il a été lancé en juillet 2018 à Kinshasa, une campagne de vulgarisation dudit Protocole sur toute l’étendue du territoire national, bien évidemment pour pousser les décideurs à veiller à sa mise en œuvre, aussi à protéger les prestataires et toutes femmes ou jeunes filles qui sollicitent les services des soins complets d’avortement conformément à l’article 14, alinéa 2, point C dudit Protocole. 

Cette avancée dans la reconnaissance de ce droit des femmes s'est réalisée alors que le Code pénal congolais continue de réprimer sévèrement tout acte d'avortement. 

L’article 14 du Protocole de Maputo veille et protège la femme qui sollicite les soins complets d’avortement ou après avortement en cas « d’inceste, viol, agression sexuelle, ou lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou la vie de la mère ou du fœtus ».

Dans le Code pénal, l’infraction d’avortement est prévue aux articles 165 et 166 du Code pénal (décret du 30 janvier 1940 tel que modifié et révisé à ce jour). A en croire ces deux dispositions, il existe deux formes d’avortement, chacune avec un auteur précis. Il s’agit de l’avortement provoqué par une tierce personne et l’avortement volontaire provoqué par une femme elle-même. Les deux sont punissables conformément à la loi.

Et pour qu’il y ait infraction d’avortement, il faut la réunion des éléments ci-après : d’abord, l’existence des conditions préalables, dont notamment une grossesse (la femme doit être ou a été réellement enceinte) et la qualité des auteurs : l’auteur de l’infraction d’avortement de l’article 165 du Code pénal doit toujours être une autre personne que la femme qui porte la grossesse… C’est l’avortement commis par autrui (médecin, infirmier….).

Par contre, l’auteur de l’infraction d’avortement de l’article 166 du Code pénal est la femme qui porte la grossesse (la femme enceinte) et non une autre personne. Il y a aussi une personne tierce qui peut être mari, fiancé, copain…. (qui n’est ni médecin, ni infirmier….). Cette personne peut être poursuivie du chef de l’infraction d’avortement en qualité de complice, notamment celui qui aura donné des instructions pour la commettre, celui qui aura procuré des instruments ou tout autre moyen… (Article 22 Code pénal).

A côté des conditions préalables, il faut nécessairement l’existence des éléments constitutifs, à savoir un élément matériel et un élément moral. L’élément matériel qui est l’utilisation des moyens chimiques (quinine, antimoine…), des moyens mécaniques (sonde, injection, curetage, stérilets, micro-abortifs….). Utilisation des médicaments comme substances solides ou liquides simples ou composées, auxquelles l’art de guérir attache un effet déterminé sur l’organisme et en matière d’avortement, l’effet d’expulser le fœtus. 

De l’élément moral, l’auteur doit avoir agi sciemment, c’est-à-dire avec l’intention de provoquer l’avortement.

Ainsi, l’avortement sur autrui est punissable de servitude pénale de 5 à 15 ans…Tandis que, la femme qui s’est fait avorter est punie de servitude pénale de 5 à 10 ans.
Conformément à l’article 23 point 2 du Code pénal, les complices de l’infraction d’avortement sont punis d'une peine qui ne dépassera pas la moitié de la peine qu'ils auraient encourue s'ils avaient été eux-mêmes auteurs. Le mari, fiancé, copain qui fournit l’argent, qui facilite, donne les instructions pour qu’une femme avorte, est qualifié ici de complice.

Nécessité de réviser le code pénal congolais

En ratifiant le Protocole de Maputo, la RDC a mis fin aux infractions liées aux avortements médicalisés, selon l’article 14 du Protocole de Maputo, puisque l’article 215 de la Constitution pose le principe de supériorité des engagements internationaux sur les lois internes en cas de contradiction.

Plusieurs pays européens, voire africains, ont légalisé l’avortement, notamment en Afrique du Sud dans leurs lois internes et ont minimisé fortement les cas de décès  maternels. 

Publié au journal officiel le 14 mars 2018, ce Protocole est le tout premier traité, ratifié par la RDC, à reconnaitre l’avortement, dans certaines conditions, comme un droit humain des femmes, dont elles devraient jouir, sans restrictions ni crainte de poursuites judiciaires. L’État congolais s’est donc engagé non seulement à respecter et promouvoir les droits sexuels et reproductifs des femmes (le droit pour elles d’exercer un contrôle sur leur fécondité ; le droit de décider de leur maternité ; du nombre d’enfants et de l’espacement des naissances ; le droit de choisir librement une méthode de contraception ainsi que le droit à l’éducation sur la planification familiale), mais aussi à autoriser l’avortement médicalisé dans les cas limitatifs évoqués ci-dessus.
Ainsi, cet engagement pris par la RDC implique évidemment de modifier le Code pénal congolais en ses articles 165 et 166 sur l’avortement pour au minimum le décriminaliser dans les cas cités par le Protocole de Maputo.

Somme toute, la signature en mars 2018 du Protocole de Maputo et sa publication dans le Journal officiel de la RDC ouvrent désormais le droit à l'avortement médicalisé. D’où, la nécessité de la révision immédiate du Code pénal congolais.
Aux législateurs congolais de saisir l'occasion que leur offre cette session parlementaire de septembre qui prévoit en outre une révision de certains articles du Code pénal, pour ainsi sauver la vie de ces centaines de milliers de femmes et jeunes filles qui recourent chaque année aux avortements clandestins avec toutes leurs conséquences néfastes.

Altesse Makambo


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